Couscous désinvolte



Quelle chaleur, mais quelle chaleur ! Qu'est-ce que je transpire ! Dites, vous ne voudriez pas soulever un peu le couvercle ? J'étouffe, je commence à brûler.

Il faudrait que je me présente mais je suis si désordonné que je commence par la fin, c'est bien moi çà ! Tant pis, je vous ramène un peu en arrière, direction le marché, la boucherie, la cuisine. Allons, du courage, vous dégusterez plus tard.

Fin du suspense ! Je vous dis comment je m'appelle ? Je suis le couscous.

Vous sentez cette bonne odeur ? Je vous taquine en vous mettant volontairement l'eau à la bouche.

Ma conception, pardon ma confection, commence, disais-je, au marché. Achetez des légumes, de beaux légumes frais et appétissants, en abondance. Laissez-vous guider par les couleurs comme un peintre. Tout est permis, tomates, carottes, courgettes, aubergines, poivrons, haricots, oignons, navets, chou. N'hésitez pas à compléter cette liste, plus c'est varié, mieux c'est.

Pour les légumes, le plus long c'est de les éplucher. Les invités là, vos amis gourmands, vous ne pourriez pas les faire bosser un peu avant ? Non ? Et bien tant pis pour vous alors, il vous faudra une bonne heure pour éplucher et couper tous les légumes en morceaux.

La veille, vous aurez pris soin de faire tremper les pois chiches dans du bicarbonate de soude, c'est meilleur et plus digeste. Vous pouvez aussi ajouter des raisins secs, ma recette varie en fonction des goûts et des couleurs, comme la vie, quoi. On peut d'ailleurs la modifier selon son humeur. Tenez, aujourd'hui, je vous présente la version carnivore mais on peut aussi me préparer avec du poisson ou uniquement des légumes. Mais je bavarde, je bavarde...

Pour les viandes, là encore, vous avez le choix. Classiquement, on met de l'agneau, collier et côtelettes par exemple, du poulet ou de la dinde, des brochettes, des merguez. Je ne vais pas tout détailler quand même, vous savez un peu faire la cuisine quand même ?!? Donc, je me contenterai de vous dire qu'il faut faire revenir la viande dans de l'huile avant de la cuire. Sinon ? Sinon, c'est moche, voilà ! Ne mélangez pas tout, faites un effort, les brochettes, vous les cuisez à part. Vous n'êtes franchement pas doué, me semble-t-il, ou vraiment distrait !

Bref, après ces préliminaires, passons aux choses sérieuses. Comme vous débutez, achetez dans une épicerie un paquet de semoule moyenne, plus facile à manipuler que la fine. Vous devez la faire tremper dans de l'eau et la travailler avec du beurre. Un peu de beurre, pas toute la plaquette, voyons !

Revenons à la viande. Vous la mettez dans le bas du couscoussier avec les pois chiches, un mélange d'épices en poudre tout préparé acheté au marché, deux bons litres d'eau et vous faites cuire pendant une heure avec un couvercle.

Ensuite vous ajoutez les légumes au fur et à mesure, en fonction du temps de cuisson nécessaire par variété, en commençant par les carottes. Mais oui quoi, si vous mettez les courgettes trop tôt, elles se transformeront en bouillie !

Et surtout, une demi-heure avant de servir, vous devez mettre la semoule dans le haut du couscoussier. C'est magique, c'est la vapeur dégagée par le bouillon qui cuit la semoule ! Formidable, non ? Je suis un plat astucieux.

Vous avez bien compris ? Les temps de cuisson détaillés c'est... J'en sais rien, moi, c'est pas moi qui cuisine, vous n'avez qu'à goûter pour vérifier. Croquez une rondelle de carotte, une miette de poulet, vous verrez bien si c'est cuit. Il faut vraiment tout vous dire !

De plus, une fois cuit, vous pouvez me laisser patienter mais à feu doux pour que ma semoule ne colle pas.

Ne vous affolez pas ainsi, je suis sûr que je serai très bon. Je reconnais mon parfum des jours de réussite, j'ai l'habitude.

Pour me servir, c'est très simple. Vous me présentez en trois plats, semoule, viande, légumes plus bouillon et servez l'harissa dans une coupelle à part. Somptueux, non ? Vous avez vu ces belles couleurs, la semoule jaune pâle, les viandes dorées, brunes, rouges et ces légumes multicolores, un vrai carnaval de saveurs !

Pour ce qui est de la boisson, je vous fais confiance. Je me permets cependant de vous suggérer un vin bien corsé d'Afrique du Nord, un Sidi Brahim fera très bien l'affaire. Mais n'abusez pas, hein, surtout les invités qui prendront le volant dès ce soir.

Succès assuré, prévoyez large ! Et s'il en reste, tant mieux, vous me dégusterez aussi bien demain, je supporte très bien d'être réchauffé avec douceur.

Le 04 juin 2003